vote de confiance ; françois bayrou ; 8 septembre 2025

Le Premier ministre a pris un pari risqué en demandant la confiance des députés. Explications simples d’un mécanisme démocratique crucial.

Le 25 août dernier, François Bayrou a surpris le monde politique en annonçant qu’il demanderait un vote de confiance à l’Assemblée nationale le 8 septembre. Une décision qui pourrait bien signer la fin de son gouvernement, tant les oppositions ont rapidement manifesté leur intention de le faire tomber.

Mais qu’est-ce qu’un vote de confiance exactement ? Pourquoi cette procédure peut-elle faire tomber un gouvernement ? Et quelles sont les conséquences pour les Français ? Décryptage d’un moment politique crucial.

Qu’est-ce qu’un vote de confiance ?

Le vote de confiance est un mécanisme prévu par la Constitution de la Ve République. Il permet au Premier ministre d’engager la responsabilité de son gouvernement devant l’Assemblée nationale. Concrètement, le chef du gouvernement présente sa politique générale aux députés et leur demande s’ils lui font confiance pour la mener.

Le vote de confiance est une pratique courante de la Ve République, puisqu’il a déjà été activé à 41 reprises depuis 1958. Cependant, François Bayrou se trouve dans une situation inédite : il a toujours été utilisé par des gouvernements disposant d’une majorité à l’Assemblée nationale, ce qui n’est pas le cas du Premier ministre qui risque donc fort de voir son gouvernement tomber.

Comment ça fonctionne ?

Le processus est relativement simple. François Bayrou prononcera une nouvelle déclaration de politique générale sur ses orientations budgétaires, suivie d’un débat puis d’un vote des députés, comme le prévoit l’article 49, alinéa premier de la Constitution.

Pour pouvoir se maintenir, le gouvernement de François Bayrou doit obtenir davantage de « pour » que de « contre ». A l’inverse, si le nombre de voix « contre » dépasse les « pour », le Premier ministre devra remettre à Emmanuel Macron la démission de son gouvernement.

Pourquoi François Bayrou prend-il ce risque ?

Le Premier ministre justifie sa décision par l’urgence de la situation financière française. Il s’agit de « poser explicitement la question centrale, savoir s’il y a bien gravité du danger pour la Nation, s’il y a urgence ou pas ».

François Bayrou estime que « notre pays est en danger parce que nous sommes au bord du surendettement », avec une dette publique qui s’établissait à 3 305,3 milliards d’euros, soit 113.2 % du PIB, en 2024.

Une stratégie en deux temps

C’est donc bien en « deux étapes » que François Bayrou souhaite avancer sur le budget 2026 en cette rentrée. D’abord obtenir un accord de principe sur la nécessité de réduire la dette, puis négocier les mesures concrètes.

Le Premier ministre déplore que « le débat a été dévoyé et déplacé », avec des discussions focalisées sur les mesures prises une par une, en « oubliant la nécessité du plan d’ensemble ».

Les chances de survie du gouvernement

La situation semble très compromise pour François Bayrou. Les oppositions ont publiquement affiché quels seraient leurs positionnements lors du scrutin à venir.

Le rapport de forces défavorable

Le rapport de forces est très défavorable au gouvernement Bayrou : à l’extrême droite, le Rassemblement national (123 députés) et ses alliés de l’UDR (15 sièges) ont rapidement fait savoir qu’ils voteraient contre la confiance ; de même à gauche, les Insoumis (71), les Socialistes (66 députés), les Écologistes (38) et les communistes (17) ont manifesté leur volonté de faire chuter le Premier ministre. Soit déjà 264 voix contre, quand les quatre groupes soutenant l’exécutif (Renaissance, Les Républicains, MoDem et Horizons) ne totalisent que 210 sièges.

Malgré ce pronostic implacable, le chef du gouvernement martèle qu’il espère inverser la tendance. « Nous sommes à la bataille dans un travail de conviction pour avoir cette majorité le 8 septembre », a déclaré le ministre de l’Economie, Eric Lombard.

Les tentatives de sauvetage

François Bayrou reçoit toute la semaine les chefs de partis et de groupes politiques qui ont accepté de le rencontrer. Cependant, deux formations de gauche ont refusé de rencontrer le Premier ministre. « Le seul rendez-vous auquel nous participerons est celui qu’il a donné aux parlementaires le 8 septembre, où nous lui refuserons la confiance », ont écrit la secrétaire nationale des Ecologistes, Marine Tondelier, et les présidents de groupe.

Même du côté du groupe LIOT, traditionnellement plus modéré, le groupe affirme « qu’une nette majorité du groupe LIOT ne votera pas la confiance ».

Quelles conséquences en cas de chute ?

Si les députés n’accordent pas leur confiance, François Bayrou considérera que « l’action » est « impossible » et sera obligé de « remettre au président de la République la démission du gouvernement », comme l’impose l’article 50.

Si le gouvernement de François Bayrou devait tomber, le Premier ministre sera alors démissionnaire, et son gouvernement cantonné aux affaires courantes, le temps que soit nommé son successeur par Emmanuel Macron.

Le sort du budget 2026

Si le gouvernement de François Bayrou tombe, le budget 2026 sera de ce fait rejeté. Si un nouveau gouvernement est formé, il aura alors la possibilité de présenter un nouveau texte, qui suivra le parcours législatif classique au Parlement.

Dans le pire des cas, si aucun gouvernement n’est nommé avant la fin de l’année 2025, le gouvernement démissionnaire pourra déposer un projet de loi spécial, pour reconduire le budget 2025 en 2026. Mais si jamais ce projet de loi spécial devait être rejeté, alors la France connaîtrait une période inédite et risquerait le « shutdown ».**

Une possible dissolution ?

Depuis début juillet, Emmanuel Macron dispose à nouveau du pouvoir de dissoudre l’Assemblée nationale. Et en cas de chute du gouvernement Bayrou, le chef de l’Etat pourrait être contraint de se tourner vers cette option.

Cependant, le président de la République a pourtant répété ces dernières semaines, notamment dans Paris Match, que le scénario d’un recours à l’article 12 de la Constitution n’avait pas ses faveurs.

Les alternatives se dessinent

Face à la chute probable du gouvernement Bayrou, les oppositions se positionnent déjà pour la suite.

Olivier Faure a déclaré que les socialistes étaient « volontaires pour être les suivants » à Matignon. Se posant ouvertement en alternative, il a mis sur la table « une autre manière de gouverner » avec « l’engagement de ne pas utiliser le 49-3, ce qui mécaniquement nous obligera à trouver des compromis texte par texte ».

Le parti a aussi profité de son université d’été, à Blois, pour présenter à ses militants un contre-budget, en réponse au projet de 40 milliards d’euros d’économies ébauché par François Bayrou en juillet.

Un moment de vérité pour la démocratie française

Le vote du 8 septembre représente bien plus qu’un simple test de confiance pour François Bayrou. Interrogé dimanche sur l’enjeu de ce vote, il assure que « la question ce n’est pas le destin du premier ministre ou le destin de François Bayrou ou du gouvernement, la question, c’est le destin de la France ».

Ce cas de figure n’est arrivé que deux fois sous la Ve République, en 1962 sous Georges Pompidou, et en décembre 2024 avec la censure du gouvernement de Michel Barnier. François Bayrou deviendrait alors l’unique Premier ministre de la Ve république à avoir causé la chute de son gouvernement via ce procédé.

Le 8 septembre prochain, les députés français auront entre leurs mains le sort du gouvernement et, peut-être, l’avenir politique du pays. Dans un contexte de crise financière et de fragmentation politique, ce vote de confiance révèle les difficultés de gouverner sans majorité claire. Quelle que soit l’issue, cette séquence marquera un tournant dans la vie politique française et posera la question de la capacité des institutions de la Ve République à faire face aux nouveaux défis démocratiques.


Le vote de confiance aura lieu le lundi 8 septembre à l’Assemblée nationale. Les débats seront retransmis en direct et permettront aux citoyens de suivre ce moment historique de la démocratie française.

** Shutdown :

Le terme « shutdown » vient du système politique américain et désigne une situation politique dans laquelle le Congrès échoue à autoriser suffisamment de fonds pour les opérations gouvernementales. Dans ce cas, l’administration fédérale cesse tout service à la population à l’exception, dans un premier temps, des services dits « essentiels ».

Cette expression de « shutdown » fait directement référence à l’exemple américain où une loi, l' »Anti-Deficiency Act », promulguée en 1884, interdit aux agences fédérales de dépenser ou d’engager des fonds sans autorisation préalable du Congrès. En cas de paralysie sur le budget, des centaines de milliers de fonctionnaires sont alors au chômage technique.

Pourquoi la France ne peut pas connaître de « shutdown » ?

La différence fondamentale réside dans les systèmes constitutionnels :

Un scénario avec un shutdown (gel, en français) des administrations à l’américaine n’est pas possible en France. La Constitution et la loi organique relative aux lois de finances déterminent la procédure à suivre.

Grâce au principe de continuité des services publics, qui empêche leur interruption au nom de l’intérêt général, la France ne semble pas exposée à un tel risque.

Les mécanismes de protection français

1. Les « douzièmes provisoires »

Le Gouvernement peut ouvrir par décret les crédits indispensables à l’exécution des services publics. Le niveau des crédits serait alors à hauteur du montant approuvé et voté l’année précédente par le Parlement.

2. La loi spéciale

Le gouvernement peut présenter au Parlement ce qu’on appelle une loi spéciale pour prélever les impôts à partir du 1er janvier, il peut y avoir reconduction des dépenses par décret pour pouvoir payer les fonctionnaires, les retraités, etc.

3. Les ordonnances (article 47 de la Constitution)

Si le Parlement ne s’est pas prononcé dans un délai de 70 jours, les dispositions du projet peuvent être mises en vigueur par ordonnance.

Dans le contexte actuel français

Concernant la situation de François Bayrou, si jamais ce projet de loi spécial devait être rejeté, alors la France connaîtrait une période inédite et risquerait le « shutdown », du nom de cette impasse budgétaire qui fait régulièrement parler d’elle aux États-Unis. La situation serait bloquée et l’État se retrouverait sans budget.

Cependant, les experts constitutionnels restent rassurants : « C’est quasiment impossible » et « Il n’existe dans nos institutions aucun risque de ‘shutdown' »selon les spécialistes du droit constitutionnel.

En résumé : Le « shutdown » à la française serait donc une paralysie budgétaire temporaire, mais les institutions françaises disposent de plusieurs mécanismes constitutionnels pour assurer la continuité des services publics, contrairement au système américain qui peut véritablement « fermer » l’administration fédérale.

By L.R.